Image: A high degree of expressiveness
Vue de l’exposition « Saturation », à la Galerie Thaddaeus Ropac de Pantin (Seine-Saint-Denis). ROPAC
Featured in Le Monde

A high degree of expressiveness Review of the group show "Saturation" in Pantin

15 July 2022
Paris Pantin

by Philippe Dagen 

Sous ce titre peu explicite, « Saturation » réunit des œuvres de sept femmes peintres de plusieurs générations, dont le point commun est qu’elles ont porté ou portent aujourd’hui la couleur à un haut degré d’expressivité, dans des œuvres le plus souvent abstraites ou presque abstraites.

La plupart de ces artistes sont jeunes, nées un peu partout dans le monde – Afrique du Sud, Chine, Vietnam ou Malaisie –, à la fin des années 1970 ou au début des années 1980, et leurs œuvres participent d’une histoire qui commence du côté de l’action painting, selon Pollock, De Kooning et Mitchell, mais passe aussi par Hantaï, Debré ou Degottex. De plus anciennes références pourraient être avancées, comme celles de Monet, Matisse et Kandinsky.

Parmi ces artistes, plusieurs se situent du côté de la gestualité, telles Megan Rooney dans ses vastes fugues sur deux ou trois tons – des ocres, des roses – ou Rachel Jones, qui réunit en frises irrégulières des lambeaux pris dans des toiles qui semblent avoir été déchirées plutôt que découpées.

Gestes encore dans celles de Martha Jungwirth, qui, née en 1940 en Autriche, s’inscrit dans la dynamique de l’actionnisme viennois, près d’Arnulf Rainer, traçant des lignes ou jetant des flux de pourpre sur des grands papiers krafts ou dans d’anciens registres de compte. D’autres, Dona Nelson et Mandy El-Sayegh, procèdent, à l’inverse, par imprégnations répétées, de façon méthodique, quasi obsessionnelle dans le cas de la seconde, dont il faut savoir que la surface de chacune de ses toiles est égale à celle d’une cellule d’isolement carcérale.

Affirmations et effacements

Cette tentative d’inscrire l’histoire dans la peinture rejoint celle de Thu-Van Tran, dont on croirait qu’elle cherche seulement de douces harmonies de gris en superposant les couleurs de l’arc-en-ciel si l’on ne savait qu’« arc-en-ciel », dans sa mémoire, renvoie aux herbicides dont l’US Air Force bombardait le Vietnam durant la guerre et qui étaient ainsi nommés en raison de leurs nuances de tons.

Pour des raisons différentes, deux artistes font bande à part. L’une est Han Bing, née en Chine en 1986 et depuis peu établie à Paris, dont les œuvres naissent du regard qu’elle porte sur l’architecture de la ville et ses murs couverts d’affiches, qu’elle aime déchirées et délavées comme, avant elle, Raymond Hains et Jacques Villeglé. Mais elle ne les arrache pas, préférant chercher dans ces rencontres une dynamique picturale faite d’affirmations et d’effacements successifs.

L’autre est Wook-kyung Choi (1940-1985), peintre coréenne qui vécut aux Etats-Unis de 1963 à 1970. L’exposition présente quelques toiles, qui sont au rang de ce que l’expressionnisme abstrait a suscité de plus puissant et de plus complexe. Choi associe, sur la même surface, des formes gestuelles libres et des bandes colorées dont la régularité contrarie l’expansion des taches et des coulures. Dans ses encres sur papier, elle introduit aussi des mots, « bitch » (« chienne ») ou « careless » (« négligent »). On aimerait voir bientôt une plus grande exposition de cette artiste dont la puissance s’impose si évidemment.

« Saturation ». Galerie Thaddaeus Ropac, 69, avenue du Général-Leclerc, Pantin (Seine-Saint-Denis). Jusqu’au 24 septembre. Du mardi au samedi de 10 heures à 19 heures. Ropac.net

Philippe Dagen

Atmospheric image Atmospheric image
Atmospheric image Atmospheric image
Atmospheric image Atmospheric image