Anselm Kiefer, l’irrésistible ascension d’un artiste allemand en France

Par Claire Bommelaer et Léna Lutaud 

ENQUÊTE - Le plasticien, boudé dans son pays, est, depuis Monumenta en 2007 jusqu’au Panthéon en 2020, de toutes les manifestations officielles. Il ouvrira en mai sa fondation à Barjac, dans le Gard. Focus sur la réussite spectaculaire d’un artiste très politique.

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Immense artiste, né en 1945 dans une Allemagne en ruine et installé en France depuis trente ans, ce septuagénaire aux fines lunettes et au long manteau noir à capuche suscite un engouement phénoménal, au point d’occuper une place singulière en France. Ses œuvres géantes, péremptoires pour certains, réalisées avec de la terre, de la cendre, du plomb, sont sombres, abordant la guerre, l’origine du mal, la désolation, allégorie d’une Allemagne à terre, qui résonnent aux oreilles des Français.

À Noël, l’exposition «Anselm Kiefer. Pour Paul Celan» organisée au Grand Palais éphémère, près de la tour Eiffel, a attiré 55.000 visiteurs en trois semaines et les 5000 catalogues se sont arrachés. Au milieu de ce flot se sont glissés les Macron. Sans la relation forte qui lie le président de la République et l’artiste, on ne peut complètement comprendre la position actuelle de Kiefer qui dépasse, de loin, le milieu international de l’art contemporain. (...) 

La relation entre Macron et Kiefer se joue bien au-delà de la relation franco-allemande, que les deux hommes veulent sans nuages. «Une vraie amitié les lie, autour de la création, mais aussi de la littérature», témoigne l’entourage du président. La rencontre entre les deux s’est faite à un dîner le 9 mai 2018, à Aix-la-Chapelle. Un an plus tard, au cours d’une réunion sur la future panthéonisation de l’écrivain Maurice Genevoix, le président a lancé: «Et si nous passions à Kiefer une commande publique?» Son entourage tique à l’idée que cela soit un allemand qui entre dans le temple des grands hommes, d’autant que son travail tourne beaucoup autour de la Seconde Guerre mondiale. (...)