Image: Miquel Barceló : « Je suis plus souvent dans les grottes que dans les galeries ou les musées »
Miquel Barcelo, dans son atelier sur l’île de Majorque (Espagne), en mai 2021. PAOLO VERZONE/VU POUR "LE MONDE"
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Miquel Barceló : « Je suis plus souvent dans les grottes que dans les galeries ou les musées »

28 May 2021
Musée Picasso, Málaga

Propos recuellis par Harry Bellet

Le peintre et sculpteur présente une exposition intitulée « Metamorfosis » au Musée Picasso à Málaga, en Espagne, jusqu’au 26 septembre.

A 64 ans, Miquel Barcelo s’installe chez Picasso. Enfin, dans un des musées qui lui est consacré, celui de sa ville natale de Malaga. En Andalousie, restaurants et musées sont ouverts au public. Les premiers sont pleins, les seconds beaucoup moins, mais les visiteurs de l’exposition « Metamorfosis » étaient nombreux, lors de notre passage, pour voir les dernières œuvres d’un des enfants terribles de l’art espagnol. Lequel se révèle, comme son prédécesseur Picasso, aussi ébouriffant dans la peinture que l’aquarelle, mais également dans la sculpture, la céramique surtout, qu’il pratique avec une puissance impressionnante, nourri qu’il est tant de ses séjours prolongés dans des pays lointains que de la fréquentation d’une littérature choisie.

L’une des impressions qui se dégagent de cette exposition, malgré un accrochage sobre, c’est une extrême profusion. Vous partez un peu dans tous les sens, non ?

Quand j’avais 17-18 ans, à Barcelone, avec mes amis artistes disons... engagés, la cohérence, c’était la clé. Dans les assemblées, au Parti communiste, dans les écoles d’art, partout, c’était la cohérence, la cohérence. Or, je m’apercevais tous les jours que j’étais un expert de l’incohérence, je faisais l’après-midi le contraire de ce que j’avais fait le matin. Nous étions assez proches de la peinture radicale du mouvement français Supports/Surfaces : dans la journée, on traduisait Marcelin Pleynet, on lisait Mao, des choses comme ça. La nuit, en cachette, on faisait de la bande dessinée underground. C’était beaucoup plus drôle d’être underground que d’être engagé.

L’exposition est intitulée « Metamorfosis ». Est-ce un hommage à Kafka ?

Kafka aussi est très plastique. Il ne décrit jamais rien, il est aussi difficile à illustrer que... le brouillard ! Chez lui, j’ai retrouvé toute cette angoisse que l’on ressent, adolescent, quand ton corps devient monstrueux, ton désir incontrôlable, que ce soit pour ta sœur, ta mère, ton chien ou ta voisine ! Tout pousse, les poils, la bite, les oreilles. Tu te réveilles le matin en érection, et c’est comme un monstre. Mais Kafka est tellement fin qu’il sent ce malaise et qu’il le traite avec un humour qui est moins juif que « Mitteleuropa ».

Il y a, dans l’exposition, une aquarelle intitulée « Samsa à Altamira », un bison avec un insecte à l’intérieur. Quel est son sens ?

Comme un scarabée. C’est la métamorphose. Amener Kafka dans les grottes de Lascaux. C’est aussi comme une maladie, quelque chose qui pousse dans le corps du bison.

Pourquoi une telle passion pour les grottes ornées de la préhistoire ?

Je les ai presque toutes vues, sauf la grotte Cosquer, près de Marseille – mais j’ai rendez-vous. J’ai fait de la plongée sous-marine, alors, techniquement, je peux y accéder. Pour les autorisations, c’est un peu plus compliqué. On ne mesure pas à quel point ce patrimoine est important. Chauvet, c’est peut-être la plus grande découverte de ce dernier millénaire. Un chef-d’œuvre de 36 000 ans d’âge ! Cela bouscule tout ce qu’on connaît de l’histoire de l’art. Pisanello semble presque maladroit à côté, tant c’est parfait.

(...) 

 

« Miquel Barcelo. Metamorfosis », Musée Picasso, Malaga (Espagne). Jusqu’au 26 septembre. Museopicassomalaga.org

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