Image: Ré-enchantement, quand l'art redessine notre lien au monde
© ARIANA PAPADEMETROPOULOS, PHOTO: LEE THOMPSON (FLYING STUDIO)
Featured in Harper's Bazaar

Ré-enchantement, quand l'art redessine notre lien au monde Harper's Bazaar France walks through this 'restorative' exhibition

26 May 2024
Paris Pantin

By Justine Sebbag

Réunies dans l'immense espace de la galerie Thaddaeus Ropac à Pantin, les pratiques de dix artistes contemporains dialoguent et s'entremêlent, explorant de nouvelles manières de ré-enchanter le monde, à travers un parcours à la fois captivant et réconfortant.

Génération désenchantée. Au sortir de la Première Guerre mondiale, le sociologue Max Weber décrit un phénomène qu'il nomme désenchantement. Résultat du processus moderne de rationalisation, il dépouille le monde de ses aspects enchantés au profit d'une approche purement cartésienne et désacralisée. Un siècle plus tard, ce discours désenchanté semble imprégner la curation de nombreuses expositions contemporaines. "Le monde comme il va" à la Bourse de Commerce ou "No Future, comme disaient les punks" aux Jardiniers de Montrouge en sont des exemples récents, véhiculant un message pessimiste.

Dans ce contexte, l'exposition "Ré-enchantement", orchestrée par Oona Doyle à la galerie Thaddaeus Ropac, se distingue par sa curation empreinte de tendresse et d'optimisme. Inspirée par la réflexion de la philosophe Silvia Federici, qui encourage à Réenchanter le monde (2002) à travers son ouvrage éponyme, l'exposition propose de réinventer nos vies en créant un sens du commun avec notre environnement, y compris les éléments naturels. Federici suggère un retour à une relation plus intime avec la nature et un engagement envers une conscience écologique et une action politique pour préserver notre environnement et notre société.

Une vision réparatrice

Dans la première salle, la curatrice Oona Doyle éclaire sa vision réparatrice d'un lien renoué entre humain et environnement. Une des œuvres phares est une toile de Teresa Pągowska des années 1970, structurée mystérieusement autour d'un arbre. Cette œuvre, retravaillée avec des teintes néons, résonne avec les analyses d'Elvia Wilk dans Death by Landscape (2022), qui explore comment repenser notre perspective humaine envers la Terre.

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Enfin, l'installation de Bianca Bondi montre un processus de métamorphose lente. Dans ce paysage onirique, des mobiles sont suspendus au-dessus de bols métalliques remplis de liquides cristallisant, nichés dans des dunes de sable, évoquant l'ancienne pratique divinatoire de la cristallomancie. Les mobiles sont composés d'objets trouvés dans le désert d'Arabie, tels que des fragments de verre romain et grec, des fleurs séchées et une petite baguette magique. En utilisant ces objets, Bondi tisse à nouveau leurs histoires perdues. Ces œuvres invitent le visiteur à comprendre le lien entre mémoires enfouies, réalité actuelle et devenirs potentiels, prolongeant la réflexion sur le réenchantement dans une perspective multidimensionnelle et respectueuse du temps et des questions humaines.

En renouant poétiquement le fil entre mémoires enfouies, réalité présente et possibles futurs, les artistes de l'exposition Ré-enchantement prolongent de manière éloquente la réflexion philosophique de Federici. Cette exposition singulière offre une plongée réconfortante dans la richesse des liens tissés entre l'humain et son environnement, dessinant les prémices élégantes d'un réencrage bienveillant dans le monde. Comme le suggère Federici, réenchanter le monde, c'est aussi réenchanter notre regard sur la nature et notre place dans le cosmos.

English Translation:

Gathered together in the vast expanse of the Thaddaeus Ropac gallery in Pantin, the artistic practices of ten contemporary artists are thrown into dialogue. Through an exhibition layout that is both captivating and comforting, the works explore new ways of re-enchanting the world.

A disenchanted generation. At the end of the First World War, the sociologist Max Weber described a phenomenon that he termed 'disenchantment'. The result of the modern process of rationalisation, 'disenchantment' strips the world of its enchanted aspects in favour of a purely Cartesian and desacralised approach. A century on, this disenchanted discourse seems to permeate the curation of many contemporary exhibitions. 'Le monde comme il va' at the Bourse de Commerce and 'No Future, comme disaient les punks' at Les Jardiniers de Montrouge are recent examples, conveying a pessimistic message.

​​In this context, "Re-enchantment", curated by Oona Doyle at the Thaddaeus Ropac gallery, stands out for its curation imbued with tenderness and optimism. Inspired by the philosophy of Silvia Federici, who encourages us to Re-Enchant the World (2002) in her eponymous book, the exhibition invites us to reinvent our lives by creating a sense of communion with our environment and the natural elements. Federici proposes a return to a more intimate relationship with nature and a commitment to ecological awareness and political action in order to preserve our environment and our society.

A restorative vision

In the first room, curator Oona Doyle unveils her restorative vision for a reconnected human-environment. One of the key works is a painting by Teresa Pągowska from the 1970s, structured mysteriously around a tree. This work, reworked with neon hues, resonates with Elvia Wilk's analyses in Death by Landscape (2022), which explores how to rethink our human perspective towards the Earth.

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Finally, Bianca Bondi's installation demonstrates a process of slow metamorphosis. In her dreamlike landscape, mobiles are suspended above metal bowls nestled in sand dunes, filled with crystallising liquids, evoking the ancient divinatory practice of crystallomancy. The mobiles are made from objects found in the Arabian desert, such as fragments of Roman or Greek glass, dried flowers and a small magic wand. Bondi uses these objects to reweave their lost histories. These works invite the visitor to understand the connection between buried memories, present reality, and possible futures. They expand the dimensions of re-enchantment, while still respecting the complexities of human issues and the constraints of time.

By poetically reconnecting the thread between buried memories, present reality, and possible futures, the artists in "Re-enchantment" eloquently expand on Federici's philosophy. This unique exhibition offers a comforting dive into the richness of the ties woven between humans and their environment, sketching the elegant beginnings of a benevolent re-rooting in the world. As Federici suggests, re-enchanting the world also means re-enchanting our view of nature and our place in the cosmos.

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