Daniel Richter: Furor I Exhibition review by Olivier Cena
By Olivier Cena
(...) En 2015, donc, s’est opéré un changement radical. Même si elle peut être à l’origine du tableau, la photographie a disparu pour laisser place à un singulier mélange d’abstraction et de figuration. Les influences s’effacent, et ne demeure que le sentiment de se trouver face à des formes symboliques où se repèrent çà et là de vagues bouts de corps. (...)
(...) L’origine de Furor I – mais encore faut-il le savoir! - est une photographie montrant deux soldats unijambistes revenant de la guerre de 14-18. Le savoir permet de comprendre la présence des lignes droites et obliques reprenant les axes des montants des béquilles en bois des deux estropiés, mais cela n’apporte pas grand-chose à la contemplation des tableaux. Ces derniers sont composés de deux formes très colorées indistinctes, entre l’humain et l’insecte (une libellule ?), peintes sur des fonds le plus souvent bicolores partagés selon une horizontale située grossièrement vers le tiers inférieur de la toile. (...)
(...) La note dramatique (contrairement au début des années 2000 où Daniel Richter l’accentuait) est atténuée à la fois par l’aspect abstrait et par l’abondance des couleurs. Le peintre veut séduire. Les fonds bicolores associent pour la plupart des couleurs complémentaires : le rouge et le vert, le bleu et l’orangé, le jaune et un rose violacé.Cette juxtaposition de couleurs jadis dites «ennemies», longtemps prohibée par l’art classique à cause de sa violence, tend à «signifier une tension, un contraste avant même la valeur (symbolique) descouleurs en présence», écrit le philosophe et historien de l’art Georges Roque, qui voit dans ce type d’association, très utilisée dans l’abstraction, «un formidablemoteur». Daniel Richter connaît donc son affaire. «Connaître son affaire » n’a rien de péjoratif : avant d’être un art, la peinture est un métier. Un peintre doit (ou devrait) connaître la théorie des couleurs (primaire/complémentaire, chaud/froid...) et les règles de la composition. Cela n’en fera pas pour autant un génie mais lui évitera les maladresses entachant trop souvent la peinture actuelle. Daniel Richter, lui, domine son sujet. C’est déjà beaucoup.