Jean-Marc Bustamante: par la grace d'un geste simple
Par Charles Barachon
Dans une récente série d’une vingtaine de tableaux, entre fresque, peinture et dessin, présentée à la galerie Thaddaeus Ropac dans le Marais, l’artiste Jean-Marc Bustamante (né en 1952) revient à des gestes simples et une iconographie de l’épure. Évoquant tour à tour Vuillard et Matisse, ses œuvres impriment avec légèreté « le mouvement du temps et de la vie ».
Laisser libre cours à l’instinct et aux impressions. Plus encore que par le passé, Jean-Marc Bustamante a souhaité imprégner ses nouvelles peintures de sa propre vision du monde. Et, paradoxalement, c’est sur un support inédit aux allures de fragment de mur que le Français a trouvé cette voix d’ouverture intérieure : un gesso, enduit épais, brut et sculptural, d’un blanc immaculé et travaillé avec du sable, dont l’alternance des parties lisses et accidentées permet à la lumière de la galerie parisienne Thaddaeus Ropac de s’y poser.
Une piste d’atterrissage parfaite pour les motifs épurés et tout en retenue de Bustamante, élégant entre-deux balisé par la figuration et l’abstraction où domine une logique de la sensation. « Avec ce nouveau support, je me suis ensuite senti plus à l’aise avec les motifs », souligne l’artiste. Légers, discrets, enclins à l’effacement voire à la disparition, ses courbes, obliques et verticales, plis et entrelacs, évoquent un lever de soleil, des éléments végétaux ou d’ornement, esquissent un paysage, un pré ou un bord de mer. « J’ai voulu trouver une certaine légèreté, une distance grâce à des gestes simples », confie- t-il.
Au cœur de cette relation au monde où la place conséquente attribuée au vide le dispute à l’apaisement, le sens de la couleur et de la transparence de Jean-Marc Bustamante s’exprime à merveille. Les encres pures et les crayons à l’huile, choisis délibérément très usés pour empêcher toute charge picturale, puis appliqués avec une gestuelle vive mais mesurée, façonnent une palette d’émotions radieuses et prudentes, agitées ou d’une absolue sérénité. De savants équilibres à trouver, en somme, comme les titres le confirment : Nouvel horizon, Calme blanc, Avant la pluie, Mer rouge ou encore Fièvre jaune, devant lequel le regard se surprend à revivre l’intensité chromatique d’une tapisserie d’Édouard Vuillard.
Au fil des œuvres de cette exposition, qui tiennent autant de la peinture, de la fresque que du dessin, « le mouvement du temps et de la vie », formule chère à l’artiste, déroule ses tempos, ses contretemps et harmonies. Ses instants de lâcher-prise, aussi. Dans la lecture récente de l’histoire de la peinture qui l’a accompagné lors de la réalisation de ses derniers tableaux, Bustamante assure d’ailleurs avoir désiré s’affranchir de toute recherche frénétique de nouveauté, de tout esprit avant-gardiste.
Le long de cette trajectoire prise loin des sentiers battus, le regard peut deviner l’héritage d’Henri Matisse, coloriste des papiers découpés (surtout dans l’ironique Perfect Painting, [ill. en une]), celui d’un Brice Marden en version très débridée, qui se serait défait de la rigueur de la structuration picturale, ou encore d’un Albert Oehlen, dans l’élan jubilatoire et libérateur qui l’a conduit à jouer avec ses propres règles esthétiques. Depuis ses débuts dans les années 1980, Jean-Marc Bustamante compose avec la peinture, la sculpture mais aussi avec la photographie. Et ces peintures, finalement, fixent sur une nouvelle surface sensible à la lumière, à la fois vierge et constellée d’aspérités, les vestiges fragiles de notre perception sensitive du monde.
Jean-Marc Bustamante - Grande Vacance
Du 9 décembre 2020 au 16 janvier 2021
Galerie Thaddaeus Ropac
7, rue Debelleyme 75003 Paris
www.ropac.net