Death of Vera Molnár, woman of wit and pioneer of digital art Hungarian-born, French and Parisian by adoption, she was "the artist of the artists" par excellence
Vera Molnár, née Vera Gács le 5 janvier 1924 à Budapest, est la grande artiste française d'origine hongroise qui a poussé l’abstraction jusqu’à la poésie, poursuivant à sa manière expérimentale Homage to the Square de Josef Albers, figure du Bauhaus. En devenant française, Vera Molnár est devenue Véra Molnar, les accents ont changé de place et de syllabes ! On a appris, par sa galerie, que cette figure de l’histoire de l’art célébrée des artistes est morte ce matin du jeudi 7 décembre à Paris, juste avant d’atteindre ses 100 ans.
Proche de l’abstraction géométrique, cette artiste de la beauté du hasard est considérée comme la pionnière de l’art numérique et de l’art algorithmique. Dans sa très longue carrière artistique que les ans n’ont pas interrompue, cette admiratrice de Piet Mondrian et Paul Klee, cette proche de François Morellet a utilisé une grande diversité de matériaux et de supports. Cette femme pleine d’esprit dessinait, collait, peignait, concevait des sculptures, des programmes, des photographies, réalisait des installations, des estampes et des livres d’artistes.
Ses journaux intimes accompagnaient son travail depuis 1976. Elle se racontait encore avec beaucoup d'humour et de précision, en mars 2012, à Amely Deiss et Vincent Baby (Vera Molnár, Une rétrospective 1942-2012, Bernard Chauveau éditeur, Paris). «Maman était une bourgeoise un peu snob qui avait comme modèle Alma Mahler. Elle s’habillait comme Alma Mahler, elle voulait se comporter comme Alma Mahler, elle aimait l’art comme Alma Mahler. J’avais un oncle qui était peintre du dimanche (il s’était fait faire une blouse de peintre à la Rembrandt). J’allais chez lui l’admirer, il peignait des clairières, des sous-bois avec des nymphettes dansantes (...) L’odeur de la peinture à l’huile, les petites feuilles vertes et jaunes m’enchantaient (...) C’est de cet oncle que j’ai reçu en cadeau à la fin d’une année scolaire une magnifique boîte en bois de pastels que j’ai emportée durant l’été dans notre maison de campagne près du lac Balaton et tous les soirs je m’installais dans le jardin pour dessiner un coucher de soleil sur ce lac».
De ce «bonheur parfait», la fillette a l’intuition de l’artiste. «Très vite, je me suis rendu compte que cela allait très mal se passer parce qu’il y avait quatre couleurs : le gazon qui descendait jusqu’au lac, un vert; un bleu pour la couleur du lac; un deuxième gris-bleu pour le ciel et une couleur plus sombre pour les montagnes volcaniques de l’autre côté du lac». Les jours passent, les craies s’usent... Comment tenir tout l’été ? «Alors, j’ai inventé un programme : comment faire la translation vers d’autres couleurs ? J’ai décidé de prendre une couleur toujours plus à droite des quatre premières utilisées, et la semaine suivante, j’ai pris les voisines à gauche, encore quatre couleurs. J’ai fait cela assez longtemps, ce qui a abouti à réaliser des variations sans savoir ce que c’était», expliqua Vera Molnár qui s'interrogeait sur le carré magique rempli de chiffres dans la gravure Melancholia de Dürer (1514), un carré de 4 x 4 cases dans lesquelles sont inscrits des chiffres allant de 1 à 16. Sa géométrie souple a la tendresse légèrement décalée des paysages abstraits de Paul Klee (Architecture de variations, 1927). La couleur y prenait vie, comme dans les pétales monochromes d’une fleur (Partition d'une surface de 9 carrés, 1995).
(...) 3 carrés noirs, 3 rectangles gris, 5 rectangles bleus (1950) ; Quatre éléments distribués au hasard (1959) ; 9 carrés rouges (1966) : les titres sont stricts, l’artiste était vive et chaleureuse. S'inscrivant dans le courant de l'art concret, la production de Vera Molnár se fonde sur des formes géométriques simples et joue sur des effets de perception visuelle (Structure de quadrilatère sur fond orange, 1967).
«Co-fondatrice, en 1961, du Groupe de recherche d'art visuel (Grav) avec François Morellet et son mari, l’artiste et chercheur François Molnár notamment, Vera Molnár fut, dès 1968, l'une des premières artistes à faire de l'ordinateur son outil de prédilection, utilisant les algorithmes. En 1959 déjà, elle créait sa ’machine imaginaire ’, un programme simple qui impulse une transformation des formes, combinant consignes et interdits, décidant des formes, des couleurs, des textures, des matériaux, des supports et dessine sur un rouleau les propositions qu'elle retient», a souligné le musée parisien [Le Centre Pompidou]. Elle établit la méthodologie de la création d’images générées par algorithmes et se passionne pour la «future science de l’art». A ce titre, elle passionne à son tour les jeunes générations de l’art numérique.
(...) C'est à partir de 1968 que Vera Molnár, va commencer à utiliser un ordinateur. Mais c'est toujours dans son cerveau que germent les idées ; l'ordinateur ne crée pas les œuvres à sa place. C'est un outil rapide et efficace à propos duquel elle a pu déclarer : «Un grand nombre de mes travaux sont réalisés et souvent exécutés par ordinateur. Mais s'ils ont quelque valeur, ou si, au contraire, ils n'en ont aucune, la machine n'en est nullement responsable. L'ordinateur, si étonnant soit-il, n'est pour le moment qu'un outil qui permet de libérer le peintre des pesanteurs d'un héritage classique sclérosé. Son immense capacité combinatoire facilite l'investigation systématique du champ infini des possibles.»
Depuis les années 1990 et jusqu'à aujourd'hui la pratique de Véra Molnar montre une sorte de jeu permanent avec l'ordinateur. Établissant un protocole, elle fabrique ainsi des images de toutes sortes, en les composant de manière entièrement subjective, à la main et avec une totale liberté modale de facture, de choix des formes et des matériaux. (...)
Translation :
Vera Molnár, born Vera Gács on 5 January 1924 in Budapest, is the great French artist of Hungarian origin who took abstraction as far as poetry, continuing in her own experimental way the Homage to the Square by Josef Albers, a leading figure of the Bauhaus. By becoming French, Vera Molnár became Véra Molnar, the accents changed places and syllables! We have learned from her gallery that this celebrated figure in the history of art died this morning, Thursday 7 December, in Paris, just before reaching her 100th birthday.
Close to geometric abstraction, this artist of the beauty of chance is considered a pioneer of digital and algorithmic art. This admirer of Piet Mondrian and Paul Klee, and close associate of François Morellet, used a wide variety of materials and media in her long and uninterrupted artistic career. This witty woman drew, glued, painted, designed sculptures, programmes and photographs, and produced installations, prints and artists' books.
Her diaries have accompanied her work since 1976. In March 2012, she recounted her life with great humour and precision to Amely Deiss and Vincent Baby (Vera Molnár, Une rétrospective 1942-2012, Bernard Chauveau éditeur, Paris). "Mum was a rather snobby bourgeoise whose role model was Alma Mahler. She dressed like Alma Mahler, she wanted to behave like Alma Mahler, she loved art like Alma Mahler. I had an uncle who was a Sunday painter (he had a Rembrandt-style smock made for himself). He painted glades and undergrowth with dancing nymphs (...) I was enchanted by the smell of oil paint and the little green and yellow leaves (...) It was from this uncle that, at the end of a school year, I received as a gift a magnificent wooden box of pastels, which I took with me during the summer to our country house near Lake Balaton, and every evening I would sit in the garden and draw a sunset over the lake."
The little girl had an artist's intuition about this "perfect happiness". "Very quickly, I realised that it was going to go very badly because there were four colours: the grass down to the lake, a green; a blue for the colour of the lake; a second grey-blue for the sky and a darker colour for the volcanic mountains on the other side of the lake". As the days went by, the chalks wore out... How could they last all summer? "So I came up with a plan: how could I move on to other colours? I decided to take a colour further to the right of the first four I used, and the following week, I took the colours next to them on the left, another four colours. I did this for quite a long time, which ended up creating variations without knowing what they were", explained Vera Molnár, who was wondering about the magic square filled with numbers in Dürer's engraving Melancholia (1514), a 4 x 4 square in which numbers from 1 to 16 are inscribed. Its supple geometry has the slightly off-kilter tenderness of Paul Klee's abstract landscapes (Architecture de variations, 1927). Colour comes to life here, as in the monochrome petals of a flower (Partition d'une surface de 9 carrés, 1995).
(...) 3 carrés noirs, 3 rectangles gris, 5 rectangles bleus (1950) ; Quatre éléments distribués au hasard (1959) ; 9 carrés rouges (1966) : the titles are strict, the artist was lively and warm. Part of the concrete art movement, Vera Molnár's work is based on simple geometric forms and plays on the effects of visual perception (Structure de quadrilatère sur fond orange, 1967).
"Co-founder, in 1961, of the Groupe de recherche d'art visuel (Grav) with François Morellet and her husband, the artist and researcher François Molnár, Vera Molnár was, from 1968, one of the first artists to make the computer her preferred tool, using algorithms. As far back as 1959, she created her 'imaginary machine', a simple programme that drives the transformation of forms, combining instructions and prohibitions, deciding on shapes, colours, textures, materials and supports, and drawing the proposals she selects on a scroll", explains the Paris museum [The Centre Pompidou]. She established the methodology for creating images generated by algorithms, and is passionate about the "future science of art". As such, she is also inspiring the younger generation of digital artists.
(...) Vera Molnár began using a computer in 1968. But it was always in her brain that the ideas germinated; the computer did not create the works for her. It's a fast, efficient tool, and one about which she has said: "A lot of my work is produced and often executed by computer. But if they have any value, or if, on the contrary, they have none at all, the machine is in no way responsible. The computer, astonishing as it is, is for the moment no more than a tool to free the painter from the constraints of a sclerotic classical heritage. Its immense combinatorial capacity facilitates the systematic investigation of the infinite field of possibilities."
From the 1990s to the present day, Véra Molnar's practice has been one of constant play with the computer. Establishing a protocol, she produces images of all kinds, composing them entirely subjectively, by hand and with total modal freedom in terms of the way they are made and the choice of forms and materials. (...)