Image: Antony Gormley in dialogue with Auguste Rodin
© Agence photographique du musée Rodin, Jérome Manoukian.
Featured in Beaux Arts Magazine

Antony Gormley in dialogue with Auguste Rodin Review of the exhibition 'Critical Mass' at Musée Rodin in Paris

December 2023

Par Emmanuelle Lequeux 

Invité par le musée Rodin à faire dialoguer ses œuvres avec celles du père de la sculpture moderne, l’artiste londonien investit tous les espaces, jardin compris. Installés du sol au plafond, ses personnages dans tous leurs états incarnent son obsession pour la forme humaine. Émotion garantie ! 

Il se dessine sur fond de ciel ; un corps esquissé à peine, lignes évidées d’une silhouette d’aluminium qui, presque, se ferait oublier. Mais quand le soleil perce et frappe ses arêtes de métal, la créature se fait soudain moins diaphane. Posé au faîte du mur qui enclôt le musée Rodin, cet être de paradoxe semble nous observer de loin, en train d'errer dans le dédale du jardin ; il paraît veiller, aussi, sur ses frères qui se sont éparpillés un peu partout, des allées de buis aux salles d'exposition. Ainsi Antony Gormley signe-t-il son exposition au musée Rodin : jamais son œuvre ne s'impose, aussi monumentale puisse-t-elle être ; elle s’infiltre, plutôt, en conversation avec le monde alentour, dans ses failles. Invité à dialoguer avec le père de la sculpture moderne, le célèbre plasticien britannique s’est fait discret, s’immisçant dans les vitrines, camouflant ses interventions pour leur donner des allures d’évidences. Son exposition n'en devient que plus envoûtante, un chef-d'œuvre dans le genre du pas de deux entre un ancien et l'un de ses héritiers. "Pour avoir l'audace d'entrer dans le temple de ce grand artiste, oser ces conversations assez intimes avec lui, j'ai dû réfléchir au don qu'avait fait Rodin à la sculpture", nous confie l'artiste depuis son atelier londonien. "Et finalement j'ai compris : il a libéré la sculpture comme objet ; il l'a prise comme un moment d'émotion, l'a dépouillée de toute narration. Les maquettes de la fin de sa vie, notamment, sont extraordinaires par leur liberté d'imagination : il a joué comme un enfant avec ses propres œuvres, sans se préoccuper de mythologies, d'histoires. C'est cette liberté de lecture que je veux offrir à mon tour au visiteur."

Gormley joue donc lui aussi, en mettant à nouveau en scène une installation vieille de trente ans, qui se métamorphose à chacune de ses occurrences. (...)

 

English translation: 

By Emmanuelle Lequeux 

Invited by the Rodin Museum to create a dialogue between his works and those of the father of modern sculpture, the London artist has taken over every space, including the garden. Installed from floor to ceiling, his figures in all their states embody his obsession with the human form. Emotion guaranteed! 

It takes shape against a backdrop of sky, a body faintly sketched, lines hollowed out of an aluminum silhouette that almost blurs into oblivion. But as the sun breaks through and strikes its metal edges, the creature suddenly becomes less diaphanous. Resting atop the wall that encloses the Rodin Museum, this paradoxical being seems to be watching us from afar, wandering through the garden's maze; it also seems to be watching over its fellow figures scattered everywhere, from the boxwood paths to the exhibition spaces. This is how Antony Gormley presents his exhibition at the Musée Rodin: his work never imposes itself, however monumental it may be; rather, it seeps in, in conversation with the surroundings, in its cracks. Invited to engage with the father of modern sculpture, the celebrated British artist remained discreet, stepping into the display cases, camouflaging his interventions to make them seem natural. This makes his exhibition all the more spellbinding, a masterpiece in the genre of the pas de deux between an elder and one of his heirs. "To have the audacity to enter the temple of this great artist, to dare these rather intimate conversations with him, I had to reflect on Rodin's legacy to sculpture," the artist tells us from his London studio. "And finally I understood: he liberated sculpture as an object; he took it as a moment of emotion, stripped it of all narrative. The maquettes from the end of his life, in particular, are extraordinary in their imaginative freedom: he played with his own works like a child, without worrying about mythologies or stories. It's this freedom of interpretation that I, in turn, want to offer visitors."

So Gormley is playing too, by staging again a thirty-year-old installation, which metamorphoses with each of its occurrences.

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