The secret kingdom of painter Georg Baselitz Studio visit by Valérie Duponchelle
Dans son exposition qui se tient jusqu’au 25 juin au Kunsthistorisches Museum de Vienne, ce peintre des gisants confronte 75 tableaux de nus à ceux des maîtres anciens. "Les études de base de l’artiste consistent à dessiner des nus. Si on regarde l’histoire de l’art dans son ensemble, l’homme nu est au centre. Si le gothique italien et la peinture religieuse sont le début, je dois dire qu’à toutes les époques, on a essayé de déshabiller l’homme. Celui sur la Croix par exemple. La femme était déjà représentée nue, avant la Crucifixion, sous le nom de Vénus. Chez la femme, il y a deux dénudations, chez l’homme, une seule. Ce qui était très important pour moi est que le Kunsthistorisches Museum de Vienne a été un musée exclusivement dédié à l’art de son temps. L’empereur Rodolphe, créateur de cette collection, a acheté ses contemporains, le Titien était jeune, le Tintoret était jeune. Ces artistes ont fait des portraits et des nus, toujours liés à des scènes et des actions. J’ai donc pensé : je vais faire le même sujet et j’ai accroché mes nus à côté des leurs. Et la différence est énorme."
Georg Baselitz, dans son atelier. Photo: Christoph Schaller
Dans son œuvre peint, sa femme, Elke, est très souvent représentée, à tous les âges, jeune, moins jeune, à l’endroit, à l’envers, blanche ou noire. "Il n’y a pas de meilleure place que la sienne, c’est le vis-à-vis privilégié. Ma place est beaucoup moins bonne dans la vie d’un peintre. Un peintre ouvre les yeux, il voit quelque chose. Il doit décider s’il le peint ou pas. Et, si c’est une belle femme, il n’y a pas de doute, il commence à peindre. C’est ainsi que je l’ai fait. Ma femme était un sujet imbattable. Ce n’était pas Cézanne et les pommes", dit-il en riant, après une pause schnaps. Le fait de vieillir change-t-il son regard sur sa peinture, sa façon de peindre ? "Vieillir, c’est une chose physique avec des effets sur l’état psychique. Physiquement on vieillit et l’esprit rajeunit. C’est un état assez étrange qu’il faut documenter. Un peintre fait toujours des documents sur son état. Quand j’ai commencé, j’étais un jeune peintre extrêmement agressif avec une forte volonté et une très forte conscience de ce que je devais faire. J’étais extrêmement intolérant, je n’ai rien accepté d’autre. Quand j’ai vu un tableau de De Kooning que j’ai trouvé absolument magnifique, je ne pouvais pas le dire et je ne pouvais pas le peindre. Cette façon de me limiter, de me créer moi-même des obstacles, je l’ai dépassée. Ces dix dernières années, je cite tout ce que j’aime. J’ai fait des tableaux dans le style de Lichtenstein, de De Kooning, de Munch… " Ces derniers gisants exposés chez son galeriste Thaddaeus Ropac à Pantin, jadis noir et gris, sont cette fois aussi roses sur un fond bleu. Des couleurs très fraîches et surprenantes pour un peintre de son âge.