Review of Georg Baselitz's exhibition in Paris By Olivier Cena
Que peindre ? À cette lancinante question qui hante la peinture contemporaine, Georg Baselitz répond : tout, aussi bien son épouse, Elke, que ses tableaux anciens qu’il revisite, ou ceux du passé qu'il revisite, ou ceux du passé dont il s'inspire. (...)
Pour Baselitz, sur les fonds noirs ou bleu pâle, la silhouette fragile d'Elke, évoque un autre crépuscule. Le peintre allemand vient de fêter son 85ème anniversaire et vit avec son épouse depuis plus de 60 ans. Elle est encore son modèle privilégié, comme elle l'était dans le premier portrait qu'il fît d'elle, en 1969. Un demi-siècle plus tard, Elke revient, toujours inversée, mais à peine discernable, perdue dans la peinture, au bord de la disparition.
La technique du report, pour la première fois employée par Baselitz, renforce ce sentiment d’effacement - la toile fraîchement peinte est pressée sur une autre toile vierge où elle laisse une empreinte du motif. Rarement le temps passant et ses effets sur nos corps ont été montrés avec autant de pudeur, d’élégance, de grâce. (...)
Alors la peinture se libère. Baselitz s’autorise des gestes inédits. II colle-il s’amuse aussi. Là encore, il se réfère à une œuvre du passé, celle de l'artiste dadaïste allemande Hannah Höch (1889-1978), peu connue en France. Höch découpait des photographies et les assemblait pour composer des collages dans la plus pure tradition surréaliste. Aux photos des jambes gainées, Baselitz préfère les véritables bas nylon, qu'il ajoute au corps d'Elke. Ils offrent à sa peinture une touche à la fois érotique, insolente et burlesque - et à nous, un sourire entre deux ravissements.
