À Lyon, le Musée de l’imprimerie et de la communication graphique montre les imprimés éphémères du pape du pop art, des disques aux publicités. Et raconte toute sa vie de dessinateur.
C’est l’occasion idoine de découvrir le Musée de l’imprimerie et de la communication graphique, antre des érudits et du beau patrimoine tapi dans l’hôtel de la Couronne, noble demeure de la Renaissance italienne à Lyon. Là gît un amour intense de l’art jusque dans ses plus modestes attributs, les «ephemera ». Comme l’avait souligné Laurent Le Bon dans son premier accrochage de président au Musée Picasso, le Minotaure était friand de ces petits riens, ces imprimés éphémères qui émaillent le quotidien, du menu de restaurant au billet d’entrée de musées, des étiquettes de vin aux lettres à en-tête des hôtels. Ziggy Stardust aussi collectionna très tôt les traces imprimées de sa vie, comme l’avaient souligné l’exposition « David Bowie is… » du Victoria & Albert Museum à Londres, puis celle de la National Gallery of Ontario à Toronto et de la Philharmonie de Paris dans sa tournée mondiale retentissante au glamour pop.
Grand fétichiste en toutes choses, Andy Warhol (1928-1987) alimenta toute sa vie cette rivière de papiers et de dessins, menus travaux répondant à une foule de commandes très diverses, même lorsque ses tableaux réalisés en série à la Factory tenaient le haut du pavé. « Andy Warhol Ephemera » rassemble de manière exclusive tous ces documents. Nombre d’entre eux sont montrés pour la première fois en Euro- pe. Tout est parti de la musique. C’est en découvrant un vinyle de Paul Anka en 1966 – visage blême, main gauche rose tyrien, ombre mauve sur le front, sous le chapeau noir – dont la pochette a été réalisée par Andy Warhol (The Painter, 1976) que le collectionneur Paul Maréchal, « aristocrate québécois, généreux et enthousiaste », tombe en arrêt sous le charme direct du pop art. Le Musée Warhol à Pittsburgh, à l’ouest de la Pennsylvanie, comptabilise alors 23 pochettes de disque illustrées par Andy Warhol. Limier piqué au vif, Paul Maréchal en découvrira 65 en cinq ans! Cela attisera sa quête pour cet « Andy Warhol Ephemera » étonnamment libre et créatif, du frais livre d’enfants 1955-1957 au sac de courses Campbell’s Soup Can, 1966, du papier peint Cow, 1966, à Mao Tse-Tung, invitation à une exposition en Chine, 1972. C’est ce sourcier, universitaire proche de la grande famille Desmarais et dandy aguerri aux subtilités du marché de l’art, qui a écrit le catalogue de l’exposition de Lyon.
Le Musée Picasso de Malaga était en concurrence avec la petite équipe lyonnaise pour accueillir cette collection inédite dans son « Warhol. Mechanical Art » qui se tiendra du 31 mai au 16 septembre, après la CaixaForum Barcelona (du 14 septembre au 31 décembre 2017) et la CaixaForum Madrid (du 31 janvier au 6 mai 2018). Voilà donc cette centaine de documents, répartis en dix zones d’exposition et en cinq salles, qui exploitent toutes les facettes de Warhol sur commande. On est littéralement plongé dans sa tête d’artiste à la fois exposé et secret, qui réfléchit et invente, à côté de sa table à dessin où il ose tout, étonné de la fantaisie qui toujours l’anime. Des plaquettes publicitaires sur la polyarthrite rhumatoïde en 1952 aux géniales variations chromatiques destinées à illustrer les OEuvres complètes de Goethe, d’après le fameux portrait du Städel Museum par le peintre néo-classique allemand Johann Heinrich Wilhelm Tischbein en 1787. De la première boutique Benetton à New York pour laquelle il fait en 1986 un prodigieux sac de courses, à l’affiche du centenaire du pont de Brooklyn en 1983. Des grands musiciens, du jazzman Thelonious Monk aux Beatles et aux Stones, au cinéma, document de promotion de ses propres films en1968 ou, à titre posthume, celui de Rainer Werner Fassbinder pour lequel il dessine l’affiche de Querelle d’après Genet en 1982.
Rien que les magazines constituent un petit trésor. Quelle époque royale qui s’offrait Warhol pour faire le portrait de Prince (Vanity Fair, 1984) et glorifier ainsi l’interview par Tristan Vox ! La nostalgie est pop. “Des plaquettes publicitaires sur la polyarthrite rhumathoïde aux variations chromatiques destinées à illustrer les oeuvres de Goethe ”