Dans son atelier de Brooklyn, Ali Banisadr fait apparaître sur ses toiles des enchevêtrements de formes. Dans les plus grands formats, une sorte de ciel, ménagé dans la partie supérieure, suggère un espace et oriente la perception. Mais cette aide est de peu de durée : quand le regard pénètre dans la superposition et l’entrecroisement des touches et des masses, il lui arrive de distinguer des êtres vivants, avec des yeux, parfois, et donc des têtes. Mais ce que suggèrent ses tempêtes de couleurs, on ne le sait pas. Peut-être la mêlée d’une bataille, ou une foule en transe, ou une cérémonie religieuse hystérique. A moins que ce ne soit l’Apocalypse ou le Déluge. Essayer de reconnaître un sujet serait de toute façon assez vain, car l’essentiel est dans la puissance dynamique de l’œuvre, sa capacité à attirer et engloutir le regard et à imposer ainsi la sensation d’une catastrophe imminente. Dans les petites toiles, la densité et l’intrication des éléments, peints avec des bleus et des blancs principalement, sont telles qu’il faut du temps pour s’habituer et voir surgir une machine, un soldat ou un charmeur de serpents. Banisadr est né en 1976 à Téhéran, que sa famille a fui peu après. Il aime à citer Jérôme Bosch parmi ses ancêtres mythiques. Mais le futurisme, l’abstraction, le surréalisme et le cinéma ont aussi leur part dans la genèse de sa peinture. L’image du four de l’alchimiste est, dans son cas, assez juste : Banisadr y précipite tout ce qu’il voit et tout ce dont il se souvient et recueille le produit de leur fusion sur la toile.
« Ordered disorders », Galerie Thaddaeus Ropac, 7, rue Debelleyme, Paris, 3e. Jusqu’au 16 novembre, du mardi au samedi de 10 heures à 19 heures.