In the studio of Miquel Barceló Portrait
À Paris, le peintre majorquin peaufine ses derniers tableaux en vue de ses expositions parisiennes. Foisonnant cabinet de curiosités, son atelier reflète les multiples facettes de son art.
By Virginie Chuimer-Layen
Dans le Marais, au cœur de Paris, Miquel Barceló a posé dans les années 1990 son attirail d’artiste-artisan dans une ancienne manufacture textile, dont il a investi tous les étages. «J’ai toujours eu beaucoup d’ateliers au cours de ma vie, confie ce grand bavard, né il y a soixante-cinq ans dans le petit village de Felanitx, d’une mère peintre et d’un père paysan. À mon arrivée dans la capitale en 1984, je me suis installé rue du Faubourg-Saint-Antoine, où se trouvait le siège de Radio Nova. Quelques années plus tard, j’ai déménagé dans les 5e et 7e arrondissements, puis aux Buttes-Chaumont. À Majorque, où je réside la plupart du temps, j’en possède deux importants. J’en ai installé un autre dans ma maison au Mali, en pays dogon, mais malheureusement, je ne peux plus m’y rendre depuis 2012.» Dans un bel immeuble sur cour, l’atelier révèle les multiples visages de cet artiste protéiforme. Dans l’une des premières salles, des gravures, exposées les unes à côté des autres sur un mur, montrent d’emblée celui d’un amoureux obsessionnel des taureaux et de la tauromachie. «En Espagne, j’en possède une vingtaine, comme beaucoup d’autres animaux. Pour moi, la corrida n’est pas antinomique à la cause environnementale, ce que mes amis écologistes n’entendent pas : s’il n’y a plus de corrida, il n’y a plus de taureaux. Il réside dans cet art une beauté pour laquelle je nourris un sentiment très ambivalent.» Dans une autre pièce, classés soigneusement dans une bibliothèque, des carnets de voyage truffés d’aquarelles dévoilent celui d’un artiste voyageur. «Que je sois à Paris, en Grèce, en Thaïlande ou en Égypte, je pratique cette technique presque tous les jours, ajoute-t-il. Ces carnets contenant mes dessins à la facture rapide, mêlant la figure humaine aux représentations animales et végétales, constituent une œuvre entière. C’est toute ma vie que je peins ici.» Partout, l’atelier trahit un esprit boulimique de travail. Dans cet espace de création foutraque, les innombrables esquisses, affiches, toiles achevées ou en cours, de tous formats, se mêlent à quelques rares sculptures et céramiques, à des ustensiles et artefacts de toutes sortes, comme à de nombreux seaux remplis de pigments, dont les murs et le sol ont conservé les traces. [...]